SUITE...
Après 4 heures d'attente, je réussi l'examen de passage à l'hôpital... Je suis dans une chambre à 2, ma concubine est dépressive, mais adorable.
Je n'y resterais pas longtemps: 5 jours. Ils se rendent compte qu'ils n'ont pas la possibilité de me prendre en charge, et à vrai dire, tant mieux!
En effet, j'avais dit à ma psychiatre de l'hôpital que j'avais très peur des calories, et que je ne dépassais pas 300 calories / jour... La seule chose qu'elle a été capable de me prescrire, c'était du Rénutryl, que les infirmières m'apportaient dans ma chambre à même la canette, où il y avait marqué en gros derrière: 500 calories la boîte! Et elle m'en donnait 3 par jour! Non mais! Vive la délicatesse!
Je les jetais donc dans le lavabo... Et mon poids baissait toujours: en 5 jours, j'ai reperdu 1 kilo. Ils me trouvent donc une place dans un centre spécialisé, j'y rentre en urgences alors que les places se délivrent normalement au bout de 3 mois d'attente!
Et là, je rencontre un super psychiatre, contre l'isolement, contre le chantage (du style, si tu reprends 300 grammes, tu auras le droit à écrire des lettres...), qu'il trouve profondément humiliant... Je pense qu'il a raison: on va reprendre du poids POUR ce qu'il nous propose, mais après, on ne l'aura pas accepté, parce que le désir ne viendra pas de nous...
Je reste 5 mois dans cette clinique. Les 3 premiers mois, rien ne bouge: je parviens à me mettre dans la tête que je ne dois pas maigrir, je réintroduis progressivement la majorité des aliments, mais je ne grossis pas, même si j'ai l'impression de manger comme 4 et tout le temps (3 repas / jour + 3 collations!)
Au bout de ces 3 mois, mon psychiatre me dit: tu as 2 solutions: soit tu décides et acceptes de regrossir, soit je te mets une sonde! (il est patient mais quand même!)... En même temps, j'obtiens enfin une place en vidéothérapie: c'est une méthode qui fut un véritable élément déclencheur pour ma part.
Le système consiste à nous détacher de notre regard: on est filmé avec juste notre culotte pour habit, et dans des positions qui font ressortir notre maigreur auschwitzienne: vrillée, retournée dans tous les sens... Je pleure en me voyant, et je me dis que je n'ai aucun avantage à rester dans cet état: ce fut le début de ma réelle envie de reprendre du poids!
Et là, pendant les 2 mois qui resteront, je vais manger un maximum, de façon à essayer de reprendre du poids (ce n'est pas si facile que ça, croyez-moi!): Je finis tous mes plateaux, me dépense le moins possible, bois des fortimel (3 par jour!)... Et je parviens à mon poids de sortie: 39 kilos.
Mon psychiatre me fait signer un contrat de poids à la sortie: je dois continuer sur ma lancée! J'ai donc un rv tous les 15 jours avec mon médecin, et 1 tous les mois avec lui pour faire le point. Et en sortant, je me suis dit que je n'accepterais pas une nouvelle hospitalisation, donc que je me battrais! J'ai donc continué ma reprise de poids, de façon à continuer ma route, redoubler ma terminale de façon décente... Au cours de cet hospitalisation, j'ai donc appris à me renourrir normalement, apprendre à nuancer cette "petite voix" qui me hantait dès que je m'armais de mon couteau et de ma fourchette... C'est vraiment cela qui m'a sorti de l'enfer dans lequel j'étais! Mais attention, guérir ne se fait pas du jour au lendemain: l'on peut croire parfois que l'on est GUERIE, mais ce n'est qu'un leurre: la guérison doit se diagnostiquer après des mois de stabilisation d'un poids correct, et une réelle baisse de l'angoisse face à l'alimentation: je ne dis pas cela pour décourager celles qui veulent s'en sortir, mais cela demande un réel investissement quotidien, avec les hauts et les bas que cela comporte...
Et vous, quels ont été les éléments déclencheurs d'un processus de guérison?